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L’immigration, voilĂ  un sujet explosif et clivant. Oui, il faut lutter contre l’immigration clandestine et ceux qui en profitent de maniĂšre Ă©hontĂ©e. Mais je refuse de cĂ©der Ă  la politique de la peur, quand on mobilise des menaces existentielles pour manipuler les gens.

Le catastrophisme identitaire et les discours millĂ©naristes sont de vieilles ficelles, rodĂ©es depuis l’AntiquitĂ© et recyclĂ©es aujourd’hui dans les talk-shows de CNews.

Agiter l’idĂ©e de disparition n’est jamais neutre : c’est une stratĂ©gie. Elle vise Ă  provoquer un rĂ©flexe dĂ©fensif, Ă  pousser les gens Ă  se rallier Ă  un chef autoproclamĂ© rempart. On dramatise pour court-circuiter le dĂ©bat rationnel, on rend suspecte toute nuance, on dĂ©signe un bouc Ă©missaire – Ă©tranger, Ă©lite ou “colonisateur” – afin de tracer une frontiĂšre artificielle entre “nous” et “eux”. Et surtout, on transforme l’angoisse en carburant Ă©lectoral.

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On entend souvent que la Corse disparaĂźtrait sous le poids des arrivĂ©es extĂ©rieures. Mais supprimer le solde migratoire, c’est comme couper la perfusion d’un malade sans soigner la maladie.

Notre natalitĂ© est l’une des plus basses de France : Ă  peine 1,5 enfant par femme, bien en dessous du seuil de renouvellement.
Pas parce que les Corses “refuseraient” de faire des enfants, mais parce que prĂšs de 23 % des moins de 30 ans vivent sous le seuil de pauvretĂ©, que les emplois stables se rarĂ©fient et que le logement devient inaccessible.
26.6% des couples avec 3 enfant et + vivent également sous le seuil de pauvreté
Dans ces conditions, les berceaux se vident mécaniquement.

Le problĂšme n’est pas tant l’arrivĂ©e des autres que le dĂ©part des nĂŽtres. La Corse est la rĂ©gion française oĂč les natifs reviennent le moins : moins d’un sur cinq revient y vivre aprĂšs ĂȘtre parti. Des gĂ©nĂ©rations entiĂšres quittent l’üle faute d’opportunitĂ©s.
Fermer la porte aux arrivants n’y changera rien : un pays qui n’arrive pas Ă  retenir ses enfants se vide de lui-mĂȘme.

Et croire qu’arrĂȘter les arrivĂ©es protĂ©gerait notre culture est une illusion. Sans elles, notre population, dĂ©jĂ  vieillie, Ăąge mĂ©dian de 46 ans, dĂ©clinerait encore plus vite.
En 2005, jeunes et anciens s’équilibraient. En 2025, les anciens seront deux fois plus nombreux que les jeunes.
Ce serait des villages désertés, des classes fermées, un tissu associatif asphyxié.

Et demain, faute de jeunes actifs, qui fera vivre la langue, la culture et l’économie de l’üle ?
La vraie bataille n’est pas de chasser l’autre, mais de rendre la vie possible ici.
Permettre aux jeunes de rester, aux « exilĂ©s » de revenir, et accueillir dignement ceux qui veulent contribuer Ă  l’avenir.
Une culture ne disparaĂźt pas parce qu’elle s’ouvre, mais parce qu’on l’empĂȘche de respirer.

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L’expression a Ă©tĂ© forgĂ©e par l’écrivain d’extrĂȘme droite Renaud Camus au dĂ©but des annĂ©es 2010. Et en Corse, certains l’agitent pour dire : “il y a de plus en plus d’Arabes”.

Les chiffres démentent.
En 2006, l’üle comptait 13 438 Ă©trangers venus d’Afrique.
En 2022, ils sont 13 277. StabilitĂ© parfaite, avec mĂȘme une baisse moyenne d’une dizaine de personnes par an.
Leur poids relatif a reculĂ© : ils reprĂ©sentaient 57 % des Ă©trangers en 2006, contre 41 % aujourd’hui.

La vraie mutation, c’est l’europĂ©anisation. Les Ă©trangers venus d’Europe sont passĂ©s de 9 687 en 2006 Ă  17 948 en 2022, soit +516 par an en moyenne.
Portugais, Italiens, Espagnols, EuropĂ©ens de l’Est : ce sont eux qui forment dĂ©sormais la majoritĂ© (56 %) des Ă©trangers en Corse.

En 2006, 8 personnes sur 100 Ă©taient Ă©trangĂšres, et plus de la moitiĂ© venait d’Afrique.
En 2022, 9 personnes sur 100 sont Ă©trangĂšres, mais moins de 4 sur 10 viennent d’Afrique et plus de 6 sur 10 d’Europe.

Pourquoi ce décalage entre perception et réalité ?
Parce que la visibilitĂ© culturelle d’une minoritĂ© pĂšse davantage que son poids rĂ©el.
Parce que l’imaginaire des dĂ©cennies 1970–1990, marquĂ© par l’immigration maghrĂ©bine, continue de hanter les discours.
Et surtout parce qu’il est politiquement plus rentable d’agiter le spectre d’une “invasion arabe” que d’expliquer que les nouveaux arrivants sont surtout des EuropĂ©ens en emploi.

Les chiffres sont clairs : la Corse n’est pas submergĂ©e par l’Afrique. Elle vieillit, elle perd ses enfants, et elle s’europĂ©anise.
Agiter l’idĂ©e d’invasion, c’est refuser de voir la rĂ©alitĂ© pour mieux instrumentaliser la peur.

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Ceux qui parlent de “colonisation de peuplement” et ceux qui dĂ©noncent “le grand remplacement” visent le mĂȘme ennemi : le solde migratoire.
Mais ce solde, c’est un chiffre neutre : il additionne les retours de la diaspora, les actifs venus du continent, les retraitĂ©s, les EuropĂ©ens
 et Ă  la marge quelques Ă©trangers venus d’Afrique.

Sauf que dans le discours, “migratoire” devient “migrant”, “migrant” devient “arabe”, et “arabe” devient “musulman”, avec l’islamisme en toile de fond.
Le raccourci est grossier, mais il marche : il fabrique de la peur.

Certains masquent leur rejet des Maghrébins, pourtant stables en nombre, derriÚre de prétendues considérations culturelles.
Et les colĂšres s’additionnent. On agite le portefeuille avec la peur du continent qui rachĂšte, et on agite l’identitĂ© avec le spectre de l’islamisation.
RĂ©sultat : une fable d’assiĂ©gĂ©s qui empĂȘche de regarder la rĂ©alitĂ© en face.

La Corse ne disparaĂźt pas sous les arrivĂ©es : elle se maintient grĂące Ă  elles. Sans flux migratoires, l’üle vieillirait plus vite encore et se viderait de ses habitants.
Le vrai scandale n’est pas l’arrivĂ©e des autres, mais l’incapacitĂ© Ă  retenir les nĂŽtres et Ă  construire un avenir pour nos jeunes.
Tant qu’on criera au “remplacement”, on ne s’occupera pas du vrai problùme.


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Un commentaire

  1. Monsieur Poletti, je lis toujours vos diffĂ©rents blogues avec intĂ©rĂȘt nĂ©anmoins je dois dire que celui-ci est particuliĂšrement bien vu et tout Ă  fait Ă  propos. On entend trop souvent dire que tout est de la faute des « Arabes » cela est effectivement faux et je dirai mĂȘme que sans eux, que serait la Corse, qui ferait les murs de pierres en Balagne et ailleurs, sans eux qui aurait pu libĂ©rer Bastia durant le derniĂšre guerre, alors on se doit un devoir de mĂ©moire Ă  leurs Ă©gards.

    Merci de remettre « l’Ă©glise au centre du village » !

    Bien Ă  vous.

    PS: je vous avez parlĂ© de la protection de l’enfance devenu presque moribonde en Corse faute de moyen comme sur le continent mais en pire par l’insularitĂ©, la responsabilitĂ© en est pour partie Ă  la CTC, la dĂ©nonciation de son impotence par celles et ceux qui y travaillent (avec encore beaucoup de volontĂ© et courage pour une petite partie) est difficilement rĂ©alisable tellement les faits sont lourds ! J’espĂšre qu’un jour les langues se dĂ©lieront…

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