Le Président du Conseil Exécutif de corse dynamite le PLU de Bastia

La politique est souvent réduite à une vaste opération de communication destinée à faire avaler des couleuvres aux électeurs. L’intérêt que je porte à la Corse et à ma ville Bastia me pousse à le dénoncer régulièrement. Raison pour laquelle je me trouve être destinataire de documents intéressants.

Par exemple, l’avis du Président du conseil exécutif de Corse sur le projet de révision de PLU de Bastia. Ce document date du 28 juin soit 15 jours avant celui rendu par le Président de la CAB que je vous avais dévoilé dans un précédent article.

L’avis émis par Gilles Simeoni n’explicite pas s’il est favorable ou pas à ce PLU. Il est rédigé sous forme d’une note d’observations.

Mais certaines observations se révèlent être des injonctions à revoir sa copie pour le Maire de Bastia.

  1. Compatibilité avec le PADDUC

L’avis pointe du doigt une fragilité juridique. En effet, il est souligné que le PLU, en classant les zones UD comme agglomérations sans en prévoir de densification significative, pourrait entrer en contradiction avec le PADDUC.

En effet, la loi Littoral précisées par le PADDUC accordent la priorité à la densification des agglomérations avant toute extension.

Or, la densification de ces zones UD, classées en agglomération, serait limitée alors que des zones (zones 1AU de Pastoreccia, Ondina, Subigna, et Labrettu) situées en extension de cette enveloppe bâtie peu dense aurait une densité bien plus dense ! Ce qui est contraire à l’esprit du PADDUC.

On sent avec ce PLU,  le désir de faire plaisir à ceux qui ont construit des villas en zone UD et qui n’ont aucune envie de voisins à proximité tout en donnant satisfaction à des promoteurs pour construire dans d’autres zones (protégées pourtant par la loi littoral). Mais cela a un prix :  toujours plus d’étalement urbain !

  1. La préservation des ESA

L’avis du Président du Conseil exécutif de Corse sur le PLU de Bastia oscille entre compromis et contradictions voire compromission. Bref, un vrai travail d’avocat !

Prenons le secteur de Labrettu : bien que intégralement classé ESA, il pourrait devenir constructible pour accueillir un hôpital, alors que ce projet n’est pas encore confirmé.

En cas d’abandon du projet hospitalier, la zone doit revenir en zone agricole.

Notons au passage que si la procédure d’expropriation va à son terme, , le centre hospitalier de Haute Corse se retrouverait propriétaire d’un terrain agricole si le projet hospitalier devait capoter…

A défaut d’un nouveau bâtiment, le centre hospitalier pourra y cultiver du foin pour les vaches en divagation de plus en plus nombreuses à Bastia!

De plus, les terrains proposés en compensation (ce qui une obligation) sont considérés conformes aux spécifications du PADDUC par l’avis « sans qu’une enquête terrains n’ait été réalisée ».

Or, ils sont pentus et difficiles d’accès ce qui risque de soulever des contestations lors de l’enquête publique.

  1. Dispositions du PLU au regard des projets de territoire

A propos des grands projets structurants, l’avis rendu par Gilles Simeoni étrille le projet de PLU sans le dire franchement.

Selon l’avis, le projet de révision du PLU pour le sud de l’agglomération bastiaise, couvert par un Secteur d’Enjeux Régionaux (SER), est un modèle de désorganisation anticipée….

Bien que cette zone soit censée bénéficier d’un projet d’aménagement global, le PLU se contente d’ouvrir joyeusement l’urbanisation sans aucune stratégie foncière ou planification sérieuse.

Pourquoi s’embarrasser de détails comme la maîtrise foncière quand on peut autoriser la construction de logements tout autour du futur hôpital ? Sûr que cela ne compliquera pas du tout la faisabilité de l’hôpital, en cours d’étude évidemment.

De même, plusieurs secteurs – Labrettu, Carbonite, Arinella – sont ouverts à l’urbanisation à tout va. Bien sûr, sans aucune planification préalable ni prise en compte des projets d’infrastructure cruciaux (port, grandes infrastructures de déplacement, hôpital…).

Quelle vision de qualité urbaine ! Résultat ? Des coûts futurs pour la collectivité, mais rien de grave, on a tout notre temps pour gérer des reconversions foncières compliquées et chères plus tard. Enfin le temps oui.. l’argent c’est une autre histoire !

Quant aux projets structurants – le port, le tram-train, l’écoquartier, le couvent Saint François…– curieusement, ils n’apparaissent pas dans les orientations d’aménagement du PLU révisé. Pourtant le tram-train c’était le projet phare du programme de Pierre Savelli en 2020

À croire que la stratégie est de les laisser flotter, sans délimitations précises, histoire de maintenir un certain suspense.

En résumé, plutôt que d’assurer un cadre cohérent, on préfère ici les péripéties improvisées.

Seule suggestion : peut-être, mais alors peut-être, pourrait-on penser à délimiter une zone dédiée pour l’hôpital. Parce que, mine de rien, il vaudrait mieux éviter que ce projet-là finisse, lui aussi, embourbé dans ce joyeux bazar urbanistique.

  1. La prise en compte des projets ferroviaires et routiers de la CdC

L’avis se poursuit, sans le dire vraiment, à une critique du projet de révision du PLU de Bastia.

Un modèle de planification qui, apparemment, a négligé les projets ferroviaires et routiers de la Collectivité de Corse …. Oh trois fois rien !

Parce que pourquoi s’embêter à intégrer des infrastructures essentielles ? Après tout, qui a besoin de savoir que la ligne ferroviaire de Bastia pourrait être prolongée en mode tramway jusqu’au port de Toga, projet pourtant phare du programme de Pierre Savelli en 2020.

Quant à la double voie ferroviaire entre Bassanese et Furiani ? Aucun intérêt, évidemment !

Il suffit d’ignorer les besoins de la population en matière de transport et d’espérer que ça passe.

Et puis, pourquoi intégrer des emplacements réservés pour des travaux aussi futiles que l’élargissement de ponts, la rénovation du tunnel de Bastia, ou l’aménagement d’un carrefour stratégique à Montesoro ? C’est sûrement mieux d’improviser quand le besoin se fera sentir.

Mais ce n’est pas tout ! Les recommandations de recul de 75 mètres le long de la RT12 pour éviter l’accès direct et les contraintes de 25 mètres sur la RT11 ? Des détails techniques, voyons. Qui a besoin d’un tel niveau de précision dans un document d’urbanisme, après tout ?

Bref, il semblerait qu’un ou deux ajustements (ou peut-être plus) seraient nécessaires pour que ce PLU puisse enfin être à la hauteur des besoins réels de la Collectivité.

L’avis se poursuit avec 3 autres points (ressource en eau, prise en compte de l’environnement et activité touristique) sur lesquels il n’est pas relevé de problèmes particuliers. Histoire de ne pas trop égratigner la sensibilité de la majorité bastiaise.

A noter que sur les ressources en eau, à la différence de l’avis du Président de la CAB, Gilles Simeoni ne relève pas le risque d’une forte augmentation du prix de l’eau ni de la nécessité d’études pour l’irrigation des terres agricoles.

Conclusion :

Le seul projet de PLU que le Président du conseil exécutif de Corse ait jamais attaqué devant les tribunaux est celui d’Ajaccio. Et, il a fallu beaucoup moins de critiques que formulées ici pour le faire.

Mais il faut dire que Gilles Simeoni est à la fois Président du conseil exécutif et conseiller municipal de la majorité bastiaise. Le PLU est un document fondamental censé donner le cap pour l’avenir de notre ville. Malheureusement, on ne peut en tirer qu’un enseignement : Pierre Savelli a opté pour un pilotage en pleine brume, sans GPS, sans boussole et sans carte.


En savoir plus sur Frédéric Poletti

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

3 commentaires

Répondre à PLU de Bastia: la mairie embrouille, l’AUE esquive et les Bastiais trinquent! – Frédéric Poletti Annuler la réponse.