Législatives 2024 : l’électeur dormant

Nous connaissions, dans les films d’espionnage, les agents dormants, en Corse, aux dires de certains, nous avons des électeurs dormants !

Un concept mis en avant pour expliquer les résultats des dernières élections législatives.

Ce sont des personnes qui ne votent pas habituellement et puis, un beau jour, « on » les réveille et elles se mettent à voter, comme un seul homme, l’extrême droite !

Une idée aussi farfelue que saugrenue qui témoigne surtout d’une incapacité à se remettre en cause. Ce n’est pas le bilan qui est mitigé mais bien le corps électoral qui serait mauvais.

Les faits 

Entre 2022 et 2024, la population insulaire a augmenté de 1.84% et les inscrits sur les listes électorales de 0,61%.

Dans cette même période, le vote pour le RN est passé, au premier tour des législatives,  de 13 445 voix en 2022 à 46 127 en 2024. (les résultats des autres listes d’extrême droite ne sont pas pris en compte)

Ainsi, alors que le corps électoral insulaire est resté quasi constant, le vote RN a augmenté de 243% entre ces 2 législatives!

Par exemple, dans la seconde circonscription de Haute-Corse, qui a vu la défaite du candidat sortant Femu a Corsica, le nombre d’inscrits entre 2022 et 2024 n’a pas bougé ( 67 924 en 2022 et 67 917 en 2024).

Le fantasme des « nouveaux arrivants » 

D’après l’INSEE, le dynamisme démographique insulaire est exclusivement dû à l’apport migratoire avec davantage d’arrivées que de départs.

Par exemple, en 2016, 7 100 personnes sont arrivées dans l’île alors que 4 800 l’ont quitté soit un solde migratoire de 2 300 personnes réparties sur toute l’ile.

Comme l’a détaillé Antonin Bretel, statisticien à l’Insee, dans un article de Corse Matin (02/01/21) une partie des nouveaux  arrivants est constituée par le retour des étudiants partis dans les universités continentales

Une autre partie vient de l’étranger qui, sans surprise, est surreprésentée dans les domaines de l’agriculture, avec 55 % des nouveaux arrivants dans ce secteur, et celui de la construction, avec 35 %.

Pour pouvoir voter à une élection législative, il y a des conditions. Il faut être de nationalité française, avoir plus de 18 ans et être inscrit sur les listes électorales de la circonscription.

On n’a pas de chiffres mais on imagine que certains « nouveaux arrivants » viennent en famille donc avec des enfants qui n’ont pas l’âge de voter.

Ainsi, entre 2022 et 2024, même si tous les « nouveaux arrivants » de nationalité française s’étaient précipités pour s’inscrire sur les listes électorales afin de voter exclusivement RN , cela ne saurait expliquer l’augmentation de 243% du vote RN!

Et même si tous ces « nouveaux arrivants » s’étaient tous installés dans la 2nde circonscription de Haute-Corse ils ne sauraient être la cause de la défaite de Jean-Felix Acquaviva.

D’ailleurs, selon l’INSEE, la contribution du solde naturel et migratoire à l’évolution démographique entre 2015 et 2021 en corse était de 1.1% annuel.

Cela n’a pas gêné la marche en avant électorale des nationalistes. De la victoire presque surprise à la territoriale de 2015, confirmée à la territoriale de 2017 pour arriver à la victoire de 2021 que certains voient comme une apothéose.  

En 2015, la liste d’union nationaliste avait totalisé au second tour 52 840 voix, en 2021, les listes nationalistes avaient totalisé 92 914 voix

Or depuis les dernières élections législatives, on entend certains nationalistes évoquer la nécessité d’une corsisation du corps électoral.

Mais avant de songer à changer les électeurs, peut-être, faudrait-il qu’ils s’interrogent sur la politique conduite depuis 2015 et sur l’efficacité des élus en responsabilité à gérer les problèmes quotidiens et concrets qui pénalisent les Corses!


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4 commentaires

  1. Démonstration au carré de la bêtise de certains commentaires, qui (« les fachistes dehors », IFF nouvelle version) renvoient (si j’ose dire) le vote d’extrême droite à une maladie venue du dehors. Mais au fond, en quoi ce schéma de pensée est-il si différent de la pseudo pensée des électeurs du RN, qui renvoient aux étrangers ou supposés tels la faute de tous les problèmes économiques ou sociaux ? Il y a une diversité de théories du grand remplacement, mais une constance dans la mécanique argumentative. Le problème est : les racistes du RN comme les nationalistes pur sucre auxquels s’adresse l’article sont-ils accessibles aux arguments rationnels ?

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    • Effectivement, les nationalistes « pur sucre » n’y seront sans doute pas sensible.
      Après je m’adresse à ceux qui ont malgré tout une sensibilité de gauche et la zone grise… c’est à dire ceux qui pourraient ouvrir les yeux…
      Le nationalisme version Gilles Simeoni est comparable dans sa conception au Macronisme. Il a su fédérer des gens de droite et de gauche.
      C’est un peu le « en même temps » nustrale…

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      • Je dirais volontiers « oui » en premier réflexe au thème de « la zone grise ». Pourtant sa grisaille devrait nous mettre en alerte sur ce que nous mettons par en dessous : les instables du scrutin ? les mal informés ? ceux qui ont récemment basculé ? en vrai, cela veut dire : ils ne savent pas ce qu’ils font, ils n’ont pas une conscience éclairée mais ne sont pas complétement perdus, etc. C’est à dire un discours qui témoigne tout autant d’un certain mépris entre « eux » et « nous », que d’une grande perplexité sur ce qui se passe réellement. De très nombreux travaux ont été fait sur la question, sans pourtant venir à bout de notre propre difficulté d’analyse. Les seules « sorties » rationnelles se sont faites par des stratégies de campagne (LFI) qui semblent efficaces, en même temps que ces réponses restent quand même un peu « rapides » pour être concluantes. Par contre, touchant les discours des nationalistes supposés fréquentables pour des esprits universalistes, il y a eu de nombreuses « glissades » nauséabondes des discours. De trop nombreux discours, qui témoignent d’un épuisement des convictions et des espoirs. Des égarements dont on voit bien la finalité, mais qui ont montré de trop nombreuses fois, et l’échec annoncé, et le caractère résolument toxique.

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