La majorité municipale bastiaise a voulu répondre à une double pression concernant les meublés de tourisme.
Tout d’abord à celle de l’opposition puisque Jean-Sébastien De Casalta avait présenté une motion en septembre 2022 visant à réguler les locations du type airbnb sur la ville de Bastia.
Ensuite à celle des résidents bastiais qui peinent de plus en plus à trouver un logement. L’explosion de la location saisonnière réduit l’offre ce qui provoque une flambée spéculative du prix de l’immobilier.
Le 1er juin dernier le conseil municipal a adopté un règlement visant à réguler les meublés de tourisme sur Bastia.
Cependant son analyse démontre qu’il s’agit surtout de faire croire que l’on va réguler sans véritablement s’attaquer à un problème qui a pourtant des conséquences désastreuses pour nombre de Bastiais.
En effet, la mairie propose de réguler les locations de meublés de tourisme mais uniquement sur 1.3% de la superficie municipale (le périmètre renforcé).
En dehors de celui-ci, il n’y aura donc aucune régulation.
On saisit mieux le sens du tweet de Pierre Savelli (2 juin 2023) dans lequel il expliquait que son objectif était de lutter contre les conséquences désastreuses du phénomène AirBnB « sans pénaliser les Bastiais ».

A la lecture du règlement, il faut comprendre sans pénaliser les Bastiais détenteurs de meublés de tourisme.
A titre de comparaison, la communauté d’agglomération du Pays Basque et la ville de Saint Malo, ont adopté une régulation beaucoup plus contraignante.
Finalement cette majorité municipale bastiaise continue à faire avec un profond cynisme ce qu’elle maîtrise le mieux :
faire croire à ceux qui peinent à trouver un logement qu’elle s’occupe d’eux en affirmant réguler la location de meublés de tourisme tout en rassurant ceux qui en abusent en régulant… sa propre régulation.
Explications
Voila ce que l’on retrouve dans le règlement de régulation porté par la majorité municipale bastiaise.
- Deux types de résidence :
1. La résidence principale : elle est définie fiscalement par le fait d’y résider au moins 8 mois par an. Donc, elle ne peut être louée, au maximum, que 4 mois par an.
Cas pratique : un couple part l’été quelques semaines, au village, dans la maison familiale et décide, pour arrondir ses fins de mois, de louer en meublé de tourisme son logement.
Lorsqu’il revient il réintègre son appartement qui ne perd pas son usage de logement.
Pour louer son appartement ce couple devra faire une déclaration préalable afin d’obtenir un numéro d’enregistrement.
Dès sa mise en œuvre, il devient obligatoire pour les loueurs comme pour les plateformes (ex : Airbnb) de faire figurer ce numéro sur toute annonce relative au bien.
Cela permet de suivre l’évolution des locations de meublés de tourisme.
2. La résidence autre que principale : en faire un meublé destiné à de la location courte de durée constitue un changement d’usage. C’est-à-dire que cela consiste à transformer une maison ou un appartement destiné à l’habitation à un autre usage (location saisonnière)
Cas pratique : un ménage ou une SCI achète un appartement afin de le consacrer à de la location courte durée touristique. Dans ce cas, le bien perd son usage de logement. C’est dans ce cas que l’on parle de « destruction » de logements.
Le règlement de la mairie prévoit que le fait de transformer un bien à usage d’habitation en meublé touristique afin de le louer à une clientèle de passage (c’est-à-dire qu’elle n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois), soit dorénavant soumis à l’obtention d’une autorisation de changement d’usage délivrée par la mairie
- Deux types de propriétaire.
1. Le propriétaire « personne physique » c’est-à-dire le particulier
2. Le propriétaire « personne morale » c’est-à-dire une société, par exemple une SCI
- Deux périmètres
1. Le périmètre renforcé : il s’agit du périmètre couvert par les dispositifs de l’Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat (OPAH) . Il représente 0.25 km² soit 1.3% de la superficie de la ville.

2. Le périmètre de droit commun : tout le reste de la commune
- Deux types d’autorisation
1. Autorisation temporaire non soumise à compensation et donnée à titre personnel :
Il s’agit d’une autorisation rattachée au propriétaire, elle est incessible et temporaire.
Elle est d’une durée d’un an reconductible (sans nombre limite de reconduction).
Dans le périmètre renforcé, il ne peut en être obtenue qu’une seule par foyer fiscal
Dans le périmètre de droit commun, il n’y pas de nombre limite par foyer fiscal
2. Autorisation soumise à compensation et donnée à titre réel :
il s’agit d’une autorisation définitive de changement d’usage. Elle donne lieu à une compensation.
La compensation consiste en la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage que l’habitation.
Elles ne sont délivrées sur le seul périmètre renforcé aux propriétaires « personnes morales » et aux propriétaires « personnes physiques » au-delà d’une autorisation temporaire sans compensation par foyer fiscal.
Cas pratique :
- Un particulier peut obtenir autant d’autorisations temporaires non soumises à compensation qu’il possède de logements dans le périmètre de droit commun mais 1 seule dans le périmètre renforcé. Dans ce périmètre au-delà d’une autorisation temporaire sans compensation, le particulier doit demander une autorisation soumise à compensation mais qui sera définitive.
- Une SCI doit solliciter une autorisation mais elle est soumise à compensation dans le périmètre renforcé.
- En revanche, comme les autorisations soumises à compensation ne sont délivrées que sur le périmètre renforcé, en dehors de celui-ci, aucune autorisation n’est à demander ni par le particulier ni par une SCI (ou tout autre type de société)
A ce niveau, ce n’est pas un trou dans la raquette de la régulation mais carrément le cordage entier qui fait défaut puisque la quasi-totalité de la ville n’est pas concernée, uniquement le périmètre renforcé.
D’autres territoires ont pris des mesures plus drastiques. La communauté d’agglomération du Pays Basque a instauré une régulation qui stipule que tout changement d’usage nécessite une autorisation soumise à compensation que le propriétaire soit un particulier ou une société.
Les autorisations temporaires non soumises à compensation ne sont accordées qu’aux particuliers pratiquant un régime de location de forme mixte : estudiantine durant neuf mois minimum et touristique durant une période estivale de trois mois.
Ces autorisations temporaires sont destinées à maintenir une offre locative à destination des étudiants.
La ville de Saint Malo, quant à elle, ne délivre que des autorisations temporaires non soumises à compensation. Mais elle exclut les personnes morales (ex : SCI) de la possibilité de faire une demande de changement d’usage. De plus, elle introduit des quotas de meublés de tourisme par secteur de la ville.
Il aurait été politiquement plus courageux que la majorité municipale affirme sa volonté de préserver ses ressources fiscales (taxe d’habitation sur les résidences secondaires) au détriment de l’intérêt général.
Mais elle préfère, dans une démarche électoraliste, ménager la chèvre et le chou quitte à prendre les Bastiais pour les dindons de la farce !
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