coups de couteau dans la nuit

Il est tard, et mes pensées dérapent. L’accident, la mauvaise rencontre, le téléphone qui déchire le silence, la police ou les pompiers à l’autre bout du fil.

J’ai confiance en mon fils, mais je n’ai pas de prise sur les imprévus cruels de la vie .

Alors j’attends, crispé, fébrile, tuant le temps comme je peux, jusqu’à ce que la porte s’ouvre.

Un pas familier, et d’un coup, tout retombe. La peur s’éteint, remplacée par ce soulagement fou que seuls les parents connaissent. Ce soulagement qu’on tait à nos enfants.

Cela fait dix-sept ans que j’ai posé mes yeux sur ce petit être, et depuis, comme tant de pères, je n’ai eu de cesse de vouloir le protéger.

Mais plus il gagne en indépendance, plus cet exercice devient impossible : les premiers pas, l’école, le permis, les sorties… Chaque étape est normale, mais chaque étape accroît l’angoisse de le savoir livré à ce monde.

Et quand on apprend qu’un jeune homme de 19 ans a été poignardé dans une rue si familière, notre sang ne fait qu’un tour. Nous touchons du doigt ce cauchemar que nous redoutons tous. L’impuissance parentale nous submerge. Le choc est émotionnel, viscéral — et pourtant, il n’est rien comparé à ce que ressentent les parents de ce garçon.

Alors oui, on comprend que les proches, touchés dans leur chair, soient habités par le désir de vengeance.

Mais nous, ceux qui avons eu la chance d’être épargnés, nous devons garder la tête froide.

Nous devons réclamer la Justice et la Justice n’est pas la vengeance.

En aucun cas, une bagarre ne peut dégénérer de la sorte car rien ne saurait justifier des coups de couteau qui auraient pu arracher un fils à ses parents.

Hélas, au lieu de se rassembler autour de la victime, certains s’approprient une douleur qui n’est pas la leur. Ils se servent de ce drame pour agiter d’autres passions.

Ils détournent la douleur pour la plier à leurs obsessions identitaires. Comme si la violence était plus tolérable lorsqu’elle vient d’un « enfant du pays ». Comme si le chagrin des parents pouvait se mesurer à l’origine de l’agresseur.

Cette colère à géométrie variable n’est pas une réponse, c’est une imposture.

La vérité, c’est que la Corse est en colère. Mais elle ne l’est pas depuis jeudi soir : elle l’est depuis longtemps. Parce qu’ici un enfant sur quatre grandit dans la pauvreté. Parce que des retraités ayant travaillé toute leur vie survivent avec moins de 900 € par mois. Parce que le travail ne suffit plus à protéger, et que les aides amortissent moins qu’ailleurs, laissant des familles entières au bord du gouffre.

Voilà la vraie colère. Une colère sociale, faite d’injustice, de fatigue et d’abandon. Ceux qui la manipulent pour désigner des coupables faciles ne cherchent pas à la guérir. Ils ne font qu’ajouter du poison à la blessure.

En politique, on peut toujours surfer sur l’émotion, crier plus fort que l’autre, désigner des boucs émissaires. C’est facile, mais c’est stérile.

La politique que j’aime, c’est celle du courage, celle qui ne s’arrêtera pas tant qu’un enfant sur quatre grandira dans la pauvreté, tant que nos anciens devront survivre avec moins de 900 € par mois.

Celle qui affirme haut et fort que rien n’est accompli tant que TOUT n’aura pas été entrepris pour réduire la pauvreté qui gangrène le peuple corse !

Le vrai combat est là, et nulle part ailleurs


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