Insupportable!

Pendant que certains se prennent en photo avec des ministres, les Bastiais attendent dans les couloirs d’un hôpital inauguré en 1985, pensé pour moins de 20 000 patients, qui en accueille aujourd’hui près de 36 000.

Les urgences débordent au point de filtrer les entrées par téléphone ; certaines nuits, il n’y a même plus de médecin urgentiste pour tenir la barre contre la souffrance des patients.

Les soignants étouffent dans des locaux sans climatisation, manipulent du matériel en fin de vie, se battent avec des ascenseurs capricieux, désespérés de ne pouvoir faire mieux.

Chaque jour de retard, ce sont des patients évacués à Ajaccio ou sur le continent, des opérations reportées, des familles qui s’angoissent, des équipes médicales au bord de la rupture.

On nous promet un hôpital neuf comme on promet un été sans incendie : avec de beaux discours, de larges sourires et des photos officielles… mais rien de solide derrière.

Et plus les mois passent, plus cette promesse ressemble à un mirage, pendant que la santé de toute la Haute-Corse repose sur un bâtiment à bout de souffle.

Et pourtant, de l’autre côté du col de Vizzavona, la même promesse a déjà été tenue.

À Ajaccio, on n’a pas commencé par des photos ou des effets d’annonce : on a d’abord posé les actes qui engagent et qui construisent.

Ajaccio : des étapes claires et formelles

  • 2009: un accord signé entre l’État et des organisations syndicales constitue une première étape pour arbitrer la décision de reconstruction
  • 2012 : une lettre ministérielle acte la reconstruction de l’hôpital (sans phasage).
  • 2014 : le site du Stiletto est officiellement arrêté.

La suite — expropriations, financement, chantier — n’a pas été une promenade de santé, mais les bases juridiques et financières étaient posées noir sur blanc dès le départ.

Bastia : des annonces sans fondations

Douze ans plus tard, on nous vend un projet… en oubliant le contenu :

  • Aucune lettre ministérielle engageant l’État.
  • Pas de financement sécurisé, encore moins pour une phase 2 (celle de la construction de l’hôpital).
  • Procédure foncière à peine entamée : la DUP légale n’est même pas soumise à enquête publique.

En septembre 2024, un cafouillage juridique : DUP illégale confiée à un acteur incompétent, corrigée sept mois plus tard.

Le tout sur un site classé en Espace Stratégique Agricole (ESA) au titre du PADDUC, avec un risque contentieux majeur et aucune sécurisation réglementaire.

À Ajaccio, le site a été décidé deux ans après l’engagement formel de l’État.

À Bastia, le site a été annoncé dès la communication de l’ARS… avant même que les bases juridiques, financières et environnementales soient posées.

Mais pour Femu a Corsica, l’essentiel est ailleurs : peu importe que l’hôpital sorte un jour de terre, il suffit que les Corses croient, aujourd’hui, qu’il va sortir.

Une promesse orale devient un trophée politique, une photo avec le ministre un diplôme de victoire.

Et si, dans six mois, tout s’écroule ? Tant pis : une autre photo avec un autre ministre sur un autre sujet masquera l’échec.

En toile de fond, l’instabilité gouvernementale : un ministre peut être remplacé dans quelques semaines, et sa parole partir avec lui. Pourtant, les élus de Femu a Corsica, qui devraient être les premiers à exiger un engagement écrit, se contentent de promesses orales comme si elles valaient un acte juridique.

Que les choses soient claires: tant qu’aucun acte administratif signé ne viendra sceller l’engagement, la reconstruction de l’hôpital de Bastia ne repose que sur… du vent ministériel

À Ajaccio, on a dressé un hôpital.

À Bastia, on dresse des effets d’annonce.


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