Aujourd’hui, j’ai voulu essayer de restaurer une vielle photo de mon grand-père avec les nouveaux moyens qui s’offrent à nous. Ce faisant je me suis rendu compte du temps qui passe…

C’était une journée d’octobre éclairée par un pale soleil d’automne. Les arbres avaient déjà leur parure dorée. Et, tu as décidé de partir.
Je ne peux oublier ton regard d’un bleu si profond. Il dégageait une telle sérénité. Il y avait cette expression déterminée de ceux qui ont déjà pris irrévocablement une décision.
Je ne pus réprimer des larmes en te regardant. Une partie de moi avait sans doute compris mais je m’en veux encore aujourd’hui d’avoir eu la faiblesse de te le montrer, de t’avoir laisser penser que je m’y résignais.
Nous n’avons pas échangé un mot. Tu étais sur ton lit en réanimation et moi de l’autre côté d’une vitre sur laquelle avant de m’en aller, j’ai posé ma main comme un au revoir.
Un au revoir qui fut en fait un adieu…
Deux jours avant, j’avais téléphoné à la maison pour parler à Maman. Tu avais décroché mais j’avais abrégé. Je ne sais plus pour quelle obscure raison j’étais pressé. Je t’ai dit que je rentrais par l’avion du lendemain et que nous aurions tout le temps de discuter.
Ce fut la dernière fois que je prononçais « grand-père ». Ce fut la dernière fois que j’entendais ta voix.
J’ai tout oublié de la raison pour laquelle je n’ai pas pris le temps de t’écouter mais les mots, que je ne t’ai pas laissé me dire, résonnent encore, aujourd’hui, en moi.
Mais s’il y a une chose que je garde en mémoire c’est ton refus du renoncement.
Avec tes yeux d’un bleu tenté d’un soupçon de mélancolie et ton petit sourire en coin tu as su braver de terribles épreuves.
Ce long hiver de cinq années pendant lesquelles tu fus prisonnier des Allemands pendant la guerre.
La perte de ta femme, cette grand-mère que je n’ai jamais eue, suite à une longue maladie.
Comme le fameux roseau de Jean de la Fontaine, dont tu aimes me lire les fables, tu as plié sous les tempêtes de la vie mais tu n’as jamais rompu.
Ce refus acharné de la résignation, je te le dois. Et, c’est l’un des plus beaux cadeaux que tu m’aies fait.
Voilà la réponse que je fais à ceux qui me demandent souvent pourquoi je m’obstine. Pourquoi, sans costume ni mandat, je m’use à défendre une idée un peu désuète : celle de l’intérêt général.
C’est parce que je ne veux pas me résigner à regarder piétiner sans broncher ce qu’il nous reste en partage et ce qui nous unît tous : le bien commun.
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