Un arrêt gênant devant les finances c’est….2 000 €
À la mairie de Bastia, on peut avoir un adjoint aux finances, disposer d’un service budgétaire complet, d’un directeur général des services et de tous les outils d’un exécutif local normalement constitué — et néanmoins se révéler incapable de répondre à une question pourtant élémentaire, posée par un simple citoyen :
comment justifier une autorisation de programme de 42,1 millions d’euros pour le théâtre municipal, quand le plan de financement voté le même jour plafonne à 32 millions ?
Cette question, qui n’a rien d’exotique, a d’abord été soulevée publiquement, puis portée à la connaissance du préfet dans le cadre d’un signalement en bonne et due forme, avant de faire l’objet d’une requête devant le tribunal administratif — faute de toute réponse sérieuse de la collectivité.
Face à ce recours, la Ville n’a pas jugé utile de produire la moindre explication en régie, ni de faire intervenir son adjoint compétent ou les services concernés. Elle a préféré confier sa défense à un avocat, rémunéré sur fonds publics, comme s’il fallait externaliser non seulement le droit, mais la mémoire même de la collectivité.
Et pendant ce temps, dans la même logique budgétaire brumeuse, une indemnité d’assurance de 14,8 millions d’euros, versée à la suite du sinistre du cimetière d’Ondina, a été affectée non pas à l’investissement — ce à quoi elle était pourtant destinée — mais à la section de fonctionnement.
Aucun virement, aucun fléchage, aucune transparence. L’argent est entré. Il a été consommé. Et nul ne sait à quoi.
Il ne s’agit pas ici d’un simple débat technique. Il s’agit de savoir si une collectivité territoriale peut, en toute impunité, afficher publiquement un chiffre, en voter un autre, en transmettre un troisième au préfet, et défendre un quatrième devant le juge — tout en affirmant qu’il n’y a là rien d’anormal.
C’est précisément pour cette raison que j’ai saisi le tribunal : pas pour avoir raison, mais pour que, pour une fois, les faits soient examinés.
Mais le plus éclairant n’est pas là. Dans les écritures que la mairie lui a commandées, le cabinet d’avocat mandaté par la Ville ne s’est pas contenté de contester les griefs. Il a aussi demandé 2 000 euros. Pour avoir osé poser la question.
2 000 euros, au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative, censés couvrir les frais de procédure d’une collectivité qui, rappelons-le, n’a pas été capable de répondre par elle-même.
Je précise que je n’ai rien demandé même pas un euro symbolique, ma seule préoccupation reste la transparence et la bonne gestion des fonds de la ville.
Il ne s’agit pas d’un remboursement. Encore moins d’un préjudice. Il s’agit d’un message.
Un avertissement adressé à quiconque envisagerait de demander des comptes : à Bastia, s’intéresser de trop près aux finances publiques n’est pas seulement mal vu — cela peut aussi vous coûter cher.
Deux mille euros, pour le simple exercice d’un droit citoyen.
Deux mille euros, comme prix d’entrée dans le débat public.
C’est cette logique que je conteste.
Pas pour polémiquer. Pas pour me faire entendre.
Mais parce qu’à force d’esquiver les réponses et de monnayer le silence, c’est l’idée même de contrôle démocratique qui s’efface.
Et ça, non, je ne m’y résigne pas.
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