Un hôpital pour Bastia: l’urgence de la santé face aux intérêts particuliers

La construction d’un nouvel hôpital à Bastia suscite beaucoup d’espoir. Un espoir fragile, mais qui a néanmoins gagné en crédibilité cet été, suite aux annonces du directeur du centre hospitalier de Haute-Corse, soutenues par l’ARS.

En examinant les annonces de plus près, il s’agit d’un projet en deux phases, précédé par une étape essentielle : l’acquisition du foncier.

La première phase prévoit la construction de services destinés aux populations les plus vulnérables, notamment l’EHPAD et l’USLD, ainsi que les unités de psychiatrie, pédopsychiatrie, et soins médicaux de rééducation spécialisés (gériatrie, neurologie, locomotion, cardiologie).

Dans un second temps, il est  prévu la construction du nouvel hôpital. Une étape qui fera l’objet d’une instruction ultérieure. Disons le clairement rien n’est encore définitivement acté.

La prudence reste de mise, comme en témoignent les propos des directeurs des hôpitaux de Bastia, Calvi et Corte, publiés sur le site de l’hôpital de Bastia :

« Pour la cohérence du projet final, le phasage du projet nous impose de le concevoir dans sa globalité avant la mise en œuvre de la phase initiale. Ceci rend le projet certes plus lourd et complexe à court terme mais met le CHB dans les dispositions les plus favorables possibles pour l’obtention du financement et la déclinaison de la seconde phase. »

Ces déclarations confirment que le projet reste à un stade préparatoire et que, pour la construction du nouvel hôpital,  rien n’est encore définitivement acquis.

La première étape cruciale est l’acquisition du foncier, mais celle-ci s’avère déjà problématique. Le site de Labretto a été, tout de suite, désigné comme emplacement sans qu’un plan global du projet n’ait été établi ni aucune étude, ce qui suscite des interrogations sur la méthodologie adoptée.

Alors que l’importance d’un tel projet commanderait d’éviter les contraintes, tout donne l’impression que le site géographique lui a été imposé…

Le premier obstacle réside dans la localisation du terrain, classé en ESA (Espace Stratégique Agricole) dans le PADDUC. De plus, le nouveau PLU de Bastia, qui pourrait permettre ce projet, n’est pas encore juridiquement opposable. En parallèle, un bras de fer s’est engagé entre le Président du Conseil exécutif de Corse et le Maire de Bastia, compliquant encore davantage le dossier.

Second problème, et non des moindres, les moyens financiers pour acheter ce terrain. Le centre hospitalier de Haute Corse n’a pas le droit de toucher aux 66 millions d’euros (uniquement destinés à la construction des services relocalisés). Or, dans une expropriation plus le nombre d’expropriés est important, plus le coût augmente. De plus, certains propriétaires vont devoir quitter leur maison ce qui entrainera des compensations financières plus lourdes. Mettre des gens à  la porte de chez eux n’est pas gratuit…

Dans un souci de recherche de financement, le directeur de l’hôpital a décidé de vendre 2 terrains appartenant au centre hospitalier : Le Vilayet (à Cardo) et le parcours de santé (à proximité de l’hôpital). Une annonce a été publiée dans ce sens dans Corse Matin et les personnes intéressées doivent se faire connaitre avant le 6 janvier 2025 midi !

Le Vilayet a été légué, en 1910 par l’armateur Aimé Sisco à l’hospice civil de Bastia – ancêtre de l’actuel hôpital avec comme  obligation de satisfaire à un objet social et non lucratif. Le parti communiste bastiais s’en est d’ailleurs récemment ému.

Le parcours de santé soulève également un problème majeur : il est actuellement classé en zone N (non constructible). Sa reclassification en zone constructible est envisagée dans le cadre du nouveau PLU, mais celui-ci n’est pas encore juridiquement opposable.

Pour que ce terrain devienne une zone à urbaniser mixte, incluant une majorité d’habitats à densité soutenue, plusieurs étapes sont nécessaires : l’adoption du nouveau PLU après une enquête publique, l’examen des recommandations du commissaire enquêteur par le conseil municipal, et enfin l’expiration du délai de recours contentieux.

En l’état actuel, il est impossible d’affirmer – et encore moins pour le Maire – que ce terrain sera constructible à brève échéance. Cela serait préjuger de décisions qui ne lui appartiennent pas !

On se demande donc qui pourrait bien acheter un terrain à la constructibilité incertaine…

Ce qui est certain c’est qu’un nouvel hôpital est un élément essentiel de la préservation de l’intérêt général. Il nécessite que toutes les parties prenantes œuvrent avec cohérence afin qu’il puisse voir le jour.  

Mais il en est réduit à n’être pour le Maire de Bastia qu’un simple prétexte. Un prétexte pour arracher le site de Labretto aux ESA.

Et si le projet de construction d’un nouveau centre hospitalier ne se réalisait pas, des promoteurs se chargeront d’urbaniser la zone en rachetant au centre hospitalier les terrains. Voilà comment, à Bastia, l’intérêt général se trouve sacrifié sur l’autel d’intérêts bien particuliers


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