jeu de dupes

S’il m’arrive souvent de m’indigner, j’avoue mon inquiétude après avoir écouté l’interview du Président de la République.

Le soir du résultat des élections européennes, il a pris tout le monde de court en prononçant la dissolution de l’assemblée nationale, y compris sa propre majorité.

Les élections législatives devaient se tenir 3 semaines plus tard ne laissant qu’un temps très limité pour la campagne.

Dans ce laps de temps, alors que Les Républicains explosaient avec l’allégeance surprise de leur président au rassemblement national, la gauche (LFI, PC, PS, EELV et Place publique) a décidé de s’unir pour former le Nouveau Front Populaire (NFP).

Il ne s’est pas formé qu’une coalition. Il ont fait un programme commun signé par tous les partis du NFP.

Ce programme, ils l’ont chiffré. Ce faisant, ils se sont exposés à la critique car leur financement pouvait être contesté.

Le soir du 7 juillet, le résultat fut marqué par une énorme surprise. La victoire du NFP avec 193 députés devant la coalition présidentielle 166 députés suivi par le RN 142 députés.

La coalition présidentielle a limité la casse grâce à un autre front, le front républicain. Le même qui avait assuré à E Macron la victoire en 2022.

En effet entre le 1er et le 2nd tour, le NFP était impliqué dans 132 triangulaires ou quadrangulaires qui plaçaient le RN en situation de possible victoire. 125 candidats NFP se sont désistés.

A noter que pour la majorité présidentielle sur 98 circonscriptions gagnables par le RN, seuls 80 députés issus de cette majorité se sont désistés.

Il est vrai qu’à partir du 7 juillet, la gauche nous a offert une immense cacophonie pour la désignation d’un potentiel Premier Ministre.

Il faut dire que, lors de la campagne, absolument tous les sondages n’ont laissé entrevoir que deux issus possibles. Celle ou le rassemblement nationale avait la majorité absolue et celle où il n’obtenait que la majorité relative.

On imagine dans ces conditions que le choix du premier ministre potentiel n’ait pas été dans les principales préoccupations de ceux qui ont formé le NFP.

Mais même au cœur de la tourmente déplorable, aucun leader de ce NFP de quelque parti que ce soit n’a évoqué la nécessité de sacrifier pour le programme commun pour former une coalition de gouvernement.

Alors que le Président semblait moins pressé de nommer un Premier Ministre que de dissoudre l’Assemblée nationale, alors qu’on ne l’attendait même plus, le NFP a réussi à s’accorder sur  Lucie Castets pour être proposé au poste de Premier Ministre.

Et ce soir, nous avons assisté à une forme de déni de démocratie (l’expression n’est pas trop forte) de la part du Président de la République.

Tout d’abord, il a refusé la victoire du NFP qui n’est qu’une simple coalition, selon lui le premier parti est le RN.

Pourtant, il y a déjà eu des coalitions victorieuses. Déjà, sa majorité en 2022 était une coalition. On peut aussi citer la gauche plurielle de Lionel Jospin en 1997.

De plus cette coalition a constitué un programme commun et a proposé un nom au poste de Premier Ministre.

Ensuite, il voit dans la défaite du candidat NFP à la présidence de l’assemblée nationale la preuve qu’il n’a pas gagné les élections législatives.

Une élection qui a reconduit pour 13 voix la présidente sortante Yaël Braun-Pivet. Une élection qui a vu 17 ministres élus députés prendre part au vote.

Il n’y peut être rien d’anticonstitutionnel puisqu’ils sont démissionnaires (cela reste à trancher par le conseil constitutionnel qui a été saisi) mais la morale républicaine aurait, peut-être, exigé qu’ils s’abstiennent.

Cela ne choque en rien le Président de la République qui, en revanche, lui préfère la morale républicaine qui veut que l’on serre la main à tous les élus. Une poignée que G Darmanin avait, pourtant, refusé en 2012, lorsque Marion Maréchal Le Pen lui avait tendu la main..

Enfin, pour lui, le dernier signe qui montrerait de manière irréfutable que le NFP n’a pas gagné c’est le NFP lui-même quand il a décidé de présenter un candidat à la présidence de la commission des Finances. Un poste habituellement attribué à l’opposition.

Pourtant Éric Coquerel le président réélu a bien précisé que, si le NFP forme un gouvernement, il démissionnera pour laisser cette présidence à l’opposition. Il a ajouté qu’au moment de ce vote, il était bien dans l’opposition au gouvernement certes démissionnaire mais toujours en fonction !

Le manque de hauteur des arguments d’Emmanuel Macron n’arrive pas à masquer une certaine mauvaise foi dans l’interprétation des résultats de ces législatives anticipées.

Devant la fin de non-recevoir du Président à la personne proposée par le NFP, il semble de plus en plus certain qu’il ne nommera un premier ministre que lorsqu’il sera assuré que le prochain gouvernement sera dans la continuité de la politique menée jusqu’à présent.

Il choisit de rester sourd aux résultats des législatives dont le premier enseignement était un désir de rupture de politique de la part d’électeurs qui ne s’étaient plus mobilisés en si grand nombre depuis 40 ans ! Et si l’expression démocratique n’est plus en mesure de proposer le moindre espoir, il y a fort à craindre que la rentrée sociale ne soit explosive et n’engendre des drames majeurs.


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