il y a dans le résultat des dernières élections législatives l’expression d’un vote de colère. À force d’invisibiliser ceux qui souffrent quotidiennement, on ne peut qu’engendrer ce désir de renverser la table !
En Corse, certains exhibent leur richesse sans vergogne, tandis que la pauvreté, elle, reste cachée.
Les données INSEE sont sans appel : sur une île où les 10 % les plus riches n’ont rien à envier à ceux des autres régions, les 10 % les plus pauvres ont les revenus les plus bas. La Corse affiche le plus fort taux de pauvreté des régions françaises, avec 18,5 %, pouvant atteindre 29 % dans l’intercommunalité de l’Oriente. De plus, 26 % des ménages insulaires peuvent basculer dans la pauvreté à la moindre difficulté, et un enfant sur quatre vit dans une famille pauvre, ce ratio atteignant même 41 % dans l’Oriente.
Une partie des travailleurs n’échappe pas à cette réalité, avec un taux de pauvreté des actifs de 15 %.
Pour toutes ces personnes, on a su opposer à leurs maux bien concrets que des mots bien futiles. De plans de lutte contre la précarité aux conférences sociales.
Des dizaines de résolutions, comme celle contre la cherté des carburant ou celle sur le prix des produits de première nécessité, ont été adoptées. Si elles ont largement été reprises par la presse, elles n’ont rien changé dans le fond.
Une délibération n’est pas une fin mais le début d’un travail. Un travail qui n’a jamais été mené à son terme.
Pire, depuis le début du processus Beauvau, la majorité territoriale conditionne toute amélioration du quotidien à l’obtention d’une autonomie de plein droit et de plein exercice.
L’exemple le plus flagrant est le contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2020-2025 passé avec l’office de l’habitat de Corse (OPH2C) qui lui a octroyé plus de 26 millions d’euros.
En contrepartie, il était demandé à l’OPH2C la production de 106 logements, la réhabilitation de 1 273 logements, de la remise en état de 780 logements vacants et la réalisation des opérations inscrites au nouveau programme de renouvellement urbain.
Notre ile se paie le luxe d’avoir le plus faible taux de logements sociaux par habitant. L’OPH2C est passé de 3 007 logements en 2016 à 3 291 en 2021 soit 58 logements par an alors que pour répondre au besoin de notre population il en manquerait près de 9 000 !
Le rapport sur les périodes 2017 à 2021 de l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) est édifiant.
A mi-parcours de la COM, malgré la volonté affichée de mieux faire, les indicateurs ne montrent pas de signe de redressement :
- le stock de logements vacants ne diminue pas (les moyens mis en œuvre ne suffisent pas à le résorber). Le taux de vacance est passé de 6.2 en 2017 à 11.5 en 2021.
- le nombre de réclamations continue de croître
- la satisfaction des locataires diminue
- le parc non entretenu continue de se dégrader avec le temps
- Le plan pluriannuel d’entretien n’est toujours pas réalisé

Dans le même temps, la masse salariale explose. (+30 % depuis 2016) sans explication rationnelle ou mécanique. La taille de l’effectif global est particulièrement élevée pour un organisme de moins de 3 500 logements

Les importantes subventions accordées en contrepartie de la réalisation d’opérations immobilières (construction, réhabilitation, remise en état des logements…) risquent finalement de n’apporter qu’une amélioration temporaire de la situation financière, propice à de nouvelles revendications salariales, mais sans impact suffisant sur l’exploitation de l’OPH2C.
En d’autres termes, les subventions permettent de compenser une situation financière dégradée par l’augmentation de la masse salariale.
L’autre enjeu majeur réside dans la rénovation énergétique. Gilles Simeoni en pleine campagne de la territoriale 2021 avait promis la rénovation de 8600 logements entre 2021 et 2026.
Là encore, c’est le flou le plus total. L’ANCOLS nous apprend que près de la moitié des logements a des étiquettes énergétiques non renseignées. L’autre moitié du parc est concernée par des diagnostics majoritairement réalisés avant 2011.
L’OPH2C n’a pas été en mesure de préciser le nombre de diagnostics de performance énergétique réalisés à partir de 2018 !
Cependant une approche permet d’estimer qu’environ 40 % du patrimoine sont ainsi évalués comme énergivores (30% en étiquette énergétique E, 9 % en F et un peu plus de 1 % en G).
La conclusion de l’ANCOLS est sans appel !
« L’organisme doit impérativement réduire ses coûts et améliorer son efficacité pour dégager les fonds propres nécessaires à la construction, la rénovation et la maintenance des logements destinés à accueillir des foyers aux ressources modestes »
Dans ces conditions, on peut comprendre que le désespoir engendre la colère, que la violence quotidienne qu’est la pauvreté engendre un vote violent.
L’expression d’une colère de ceux qui en ont assez d’être les invisibles auxquels les élus ne pensent qu’en période de campagne électorale.
On peut imaginer leur désarroi lorsque certains ont même voulu les déposséder de cette colère en mettant le vote RN sur le dos des « nouveaux arrivants ».
Victor Hugo avait déjà compris à son époque cette violence qui semble encore nous surprendre 150 ans plus tard !
Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire
À vous tous, que c’était à vous de les conduire,
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité,
Que votre aveuglement produit leur cécité ;
D’une tutelle avare on recueille les suites,
Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.
Vous ne les avez pas guidés, pris par la main,
Et renseignés sur l’ombre et sur le vrai chemin ;
Vous les avez laissés en proie au labyrinthe.
Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte
En savoir plus sur Frédéric Poletti
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

Merci Monsieur Poletti pour vos articles toujours très intéressants et pertinents.
J’aimeJ’aime
a mon tour de vous remercier pour votre commentaire …
J’aimeJ’aime