Dès lors que l’analyse du corps électoral démontre que ce n’est pas un afflux d’électeurs halogènes qui est responsable de la forte augmentation du vote pour le Rassemblement National (https://fpoletti.blog/2024/07/12/elections-legislatives-2024-lelecteur-dormant), il conviendrait de s’intéresser aux véritables causes de ce problème.
Il y a, bien sûr, un vote de conviction. Contrairement à ce que nous pouvons entendre, il ne faut pas nous considérer comme un peuple élu dépourvu de xénophobie. «L’esprit corse» n’est pas infaillible.
Parmi nous, certains sont convaincus qu’un « bon » Corse est blanc, hétérosexuel, de confession catholique et amateur de charcuterie.
A cette catégorie de personnes, se sont agrégés ceux qui pensent que les étrangers sont responsables de leurs problèmes.
Les difficultés économiques génèrent une insécurité constante qui rend les gens sensibles aux théories des menaces et les pousse à chercher des boucs émissaires.
Ceux qui en 2024 usent du discours populiste pour exploiter cette insécurité affirment tenir un discours de vérité en désignant l’étranger comme responsable. Cette vérité leur permet, selon eux, d’incarner une nouvelle ère dans laquelle la bienpensance n’aurait pas sa place.
Leur idéologie est, en fait, vieille comme le monde.
Ainsi, si nous prenons les années 30, période économiquement très difficile et de tensions sociales.
Paul Reynaud, ministre des Finances en France déclarait, en 1931: « Il est nécessaire de suspendre l’immigration pour protéger les travailleurs français et préserver notre économie nationale en ces temps de crise. »
Le député Georges Scapini qui déclarait, en 1938 : “L’afflux massif d’étrangers en France est directement lié à l’augmentation de la criminalité. Il est impératif de contrôler strictement l’immigration pour garantir la sécurité de nos citoyens.”
Charles Maurras, un influent écrivain et homme politique de l’Action française, a exprimé, quant à lui, des craintes sur l’impact de l’immigration sur l’identité nationale française : “L’immigration massive menace l’intégrité de notre nation et la pureté de notre race. Il est impératif de protéger notre peuple contre cette dilution étrangère.”
On le voit le discours populiste en 2024 n’est pas vraiment différent de celui des années 30. Jordan Bardella n’hésite pas à affirmer que « L’immigration est devenue le pire carburant pour la violence de rue et l’insécurité dans notre pays ».
Notre île est la région de France métropolitaine qui a le taux de pauvreté le plus élevé (18.5%). Pire, 26% des ménages insulaires peuvent y basculer à la première difficulté comme par exemple une perte de revenu même limitée. De plus, un enfant sur 4 y vit sous le seuil de pauvreté et le taux de pauvreté des actifs est de 15%.
Une situation économique dégradée qui plonge les gens dans une insécurité ambiante : risque de perdre son logement, risque de perdre son emploi, risque d’un déclassement social, peur de se faire voler le peu que l’on possède.
Bon nombre d’entre nous, sont malheureusement des cibles toutes désignées de « politiciens » populistes qui cherchent à exploiter souvent les crises économiques et sociales pour attiser la peur et instrumentaliser les préjugés.
Or, c’est justement là que la rhétorique de certains nationalistes peut devenir un point de bascule.
Les notions de dilution de peuple Corse, de colonisation de peuplement, faire de « l’étranger » un concurrent pour l’accession au logement ou l’obtention d’un emploi, tout cela est très proche des théories maurrassiennes chères à l’extrême droite française.
Lorsque des discours tombent entre les oreilles de ceux qui n’ont pas la culture politique pour les interpréter, ces derniers opèrent une simplification qui les rend réceptifs aux discours de l’extrême droite.
Le droit du sang se simplifie en notion de pureté faisant le l’étranger un « impur ».
« A Francia Fora », revendication politique d’opposition en un Etat, se simplifie en « I Francesi Fora », expression xénophobe qui cultive la haine d’un peuple.
A partir du moment où l’on est capable de haïr un peuple, on peut en haïr plusieurs ce qui peut favoriser la montée des xénophobies.
C’est d’ailleurs sur ces simplifications qu’entend surfer cette nouvelle association régionaliste d’extrême droite. C’est bien connu, les populistes sont ceux que le caniveau n’effraie pas.
Il est plus facile de livrer l’étranger comme responsable de la crise du logement que d’analyser les raisons qui font que la Corse si pauvre détient le plus faible taux de logements sociaux par habitant.
Il est plus commode de jeter des gens en pâture que de concevoir et réaliser des projets pour résoudre les problèmes concrets.
Dans ce contexte, le communiqué de Femu a Corsica qui évoque «des logiques communautaristes et des comportements et conflits importés » suite à un article de Corse Matin sur des incivilités commises par une bande de jeunes apparait préoccupant.
On ne pourra pas convaincre les vrais xénophobes mais, en revanche, on peut choisir de se battre pour sortir la Corse de l’ornière sociale et économique dans laquelle elle se trouve.
On doit faire le pari du capital social, qui inclut des éléments comme la confiance et la coopération au sein d’une population donnée, ce qui permet d’augmenter la tolérance et l’acceptation de l’autre.
S’engager dans une course à l’échalote populiste à des fins purement électoralistes n’est pas digne de ceux qui sont chargés d’éclairer le peuple.
En politique, les électeurs finissent toujours par préférer l’original à la copie. Le coup de semonce des dernières législatives nous l’a durement rappelés.
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wow!! 61Colère, émotion et manipulation
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